jeudi 11 novembre 2010

Numéro de novembre 2010



Ouvrir les frontières?
Il faudrait fermer les frontières pour éviter d'être envahis par tous ceux qui veulent venir vivre en Europe. Regardons cette question de plus près.

Ça bouge peu, mais dans tous les sens

Il y a 200 millions de migrants dans le monde (chiffres de 2005), soit moins de 3% de la population mondiale. Parmi eux, 62 millions sont venus de pays du Sud dans les pays du Nord, 61 millions ont quitté un pays du Sud pour un autre pays du Sud, 53 millions un pays du Nord pour un autre pays du Nord, 14 millions un pays du Nord pour un pays du Sud. Donc les migrations se font dans tous les sens, et les mouvements du Sud vers le Nord ne représentent qu'un petit tiers de l'ensemble. On est loin d'une invasion.
À titre de comparaison, entre les années 1880 et les années 1960, environ 60 millions d'Européens sont allés vivre sur un autre continent. Les migrations évoluent, et l'Europe a été une terre d'émigration encore tout récemment.

Des hordes de plombiers polonais
L'Union européenne est devenue un espace de libre circulation et de libre installation pour les citoyens européens. Une invasion avait été prédite, de l'Europe de l'Ouest par les habitants de l'Europe de l'Est plus pauvre.
Et l'invasion n'a pas eu lieu. Les déplacements de population ont été faibles. Et surtout la migration se fait de manière beaucoup plus souple que lorsque les frontières sont bloquées: aller travailler quelques années dans un autre pays puis revenir, ou repartir vers un troisième pays offrant de meilleures opportunités, s'installer plus durablement ou faire des aller et retours.
On peut imaginer qu'appliquée au niveau mondial, la liberté de circulation et d'installation jouerait de la même manière: pas de mouvements d'une ampleur excessive, et une mobilité beaucoup plus diverse.
La fabrique des sans-papiers
La fermeture des frontières a pour premiers résultats de plus en plus de morts lors du franchissement illégal des frontières, le développement de mafias autour du passage des frontières, et la fabrication de sans-papiers.
Les sans-papiers ne sont du reste le plus souvent pas des personnes qui sont entrées illégalement en Europe. La plupart du temps, il s'agit de personnes qui ont eu un titre de séjour, et qui n'en ont plus, soit que leur situation ait changé, soit que la loi ait changé.
Dans tous les cas, c'est la loi qui fabrique les sans-papiers, et met des travailleurs sans droits à la disposition des employeurs. La liberté d'installation, c'est aussi donner à chacun les mêmes droits et faire disparaître cette forme d'exploitation sans limite.


Un CRA dans la PAF !

Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de mobilisation contre le centre de rétention de Coquelles. La population continue à faire ses courses tranquillement à la cité Europe sans s’imaginer qu’un CRA, qu’une prison pour étranger, est installée derrière le commissariat de la Police Aux Frontières.
Face à la décision de son agrandissement en 2002, juste avant la fermeture du centre de Sangatte, il y avait eu tentative de mobiliser les coquellois sur le fait qu’on ait changé discrètement un plan d’occupation des sols de leur commune pour le rendre constructible et y installer une prison « humaine »..
Puis des dizaines de mobilisations se sont succédées, relais local de mobilisations internationales, soutien aux Sans Papiers du CSP59 de Lille « délocalisés » en rétention loin de leur groupe de lutte, refus d’expulsions prévues vers des pays en guerre, dénonciation de l’antenne du tribunal de Boulogne installée dans l’enceinte du centre de rétention, ou juste mobilisations pour alerter sur l’existence même d’un tel lieu.
Avec la loi Besson qui vient d’être votée, les juges des Libertés n’auront plus la possibilité de dénoncer les procédures illégales d’arrestations et de rétentions des sans papiers.
La délimitation un peu floue entre le commissariat de la PAF et le centre de rétention où seront enfermés encore plus longtemps les sans papiers va être de plus en plus difficile à cerner pour les incarcérés qui bénéficient rarement de traducteurs pour connaitre leurs droits.
Plus que jamais, mobilisons-nous contre les centres de rétention, contre les expulsions et pour la liberté des circulation et d’installation.


Nique la police

Ce midi, alors que nous discutions, assis par terre, à la distribution, une voiture de police s'est approchée du grillage du côté du port. Sans vraiment y penser, j'ai repris un des slogans anglais, No justice no peace, Fuck the police, sur un ton normal et sans crier. Un des migrants, qui était à côté de nous, m'a corrigé en me disant dans son propre anglais approximatif: “Mais, tout le monde dit 'fuck the police,' mais c'est grâce à la police qu'il y a un minimum de paix. On devrait pas dire ça. Si tu es attaqué, la police elle te protège. Alors dis pas fuck the police.”
Il y a quelques semaines, des fascistes étaient arrêtés par cette même police, après que des migrants Soudanais aient été agressés. Des membres du mouvement No Borders se sont demandés d'où venait cette soudaine clémence. Est-ce que la police est simplement jalouse et souhaite garder un monopole de la violence? Il faudrait soulever ces idées reçues sur la bienveillante police, qui sont aussi partagées par les citoyens.
La police, et l'Etat qui l'engage et l'entraîne, est plus qu'heureuse de mettre en état d'arrestation, et de poursuivre les personnes, en dehors de l'Etat lui-même, qui se seraient livrées à de vrais crimes. Tant que les individus en question ne sont pas de l'Etat lui-même, la police fera de son mieux pour faire honnêtement régner la loi entre chacun, et elle se sentira très imbue d'elle-même pour cette raison.
Mais évidemment, l'Etat qui engage et entraîne la police, ne saurait être questionné par la police elle-même. Le travail de la police consiste précisément à défendre les lois de l'Etat, qui sont aujourd'hui de nature tyrannique. Nous nous retrouvons donc dans une situation étrange, où des personnes qui, théoriquement, nous protègent, sont aussi, et surtout, susceptibles de nous agresser pour faire appliquer le droit.
Plus le droit est tyrannique, plus la violence est le seul ressort que l'Etat peut utiliser pour le faire appliquer; nous tenons tous naturellement à notre propre liberté, et personne ne se laisse maîtrisé facilement. La résistance aux contrôles est naturelle; et la violence suit pour soumettre les récalcitrants.
Si nous sommes protégés par des personnes violentes qui n'ont aucun égard pour nos libertés, alors nous devons prendre en main notre protection; que nous puissions leur dire d'aller se faire foutre, que nous nous débrouillerons sans eux si la liberté est réellement le prix que l'Etat exige pour notre sécurité.


FRONTEX, au service de la technocratie xénophobe

Peu de personnes encore connaissent l'existence de FRONTEX, agence européenne de protection des frontières extérieures. Véritable armée tentaculaire et sous-terrainne,son budget pour empêcher les non-autorisés d'arriver et de rester en Europe ne cesse d'augmenter. Pas facile à Calais d'obtenir une salle pour organiser une réunion d'information au sujet de FRONTEX...
Prévue en juin 2009 au Channel, pendant le camp No Border, la réunion sera annulée sous pressions politiques.
Si vous avez raté la mâtinée d'info-débat du 6 novembre 2010 à l'Alhambra, voici  quelques sites pour vous informer:
http://numerolambda.wordpress.com/2010/09/01/frontex-airlines-la-compagnie-high-cost-qui-ne-vend-que-des-allers-simples/
http://frontexplode.eu/
http://interstice.over-blog.org/article-frontex-un-outil-au-service-de-la-technocratie-xenophobe-48619215.html

Personne n'est illégal

“Nous avons tous une forte disposition à regarder ce qui est légal comme légitime, à ce point qu'il y en a beaucoup qui font découler faussement toute justice de la Loi.” Frédéric Bastiat

A la suite du scandale des expulsions de Roms, des membres du gouvernement se sont défendus de tout mal en déclarant qu'ils ne faisaient qu'appliquer le droit. La citation ci-dessus expose l'erreur de ce raisonnement: même la Loi peut être injuste. Après tout, la Loi en France n'est peu de plus que ce qu'ont écrit et voté quelques centaines d'hommes politiques. Tout élus qu'ils sont, ils restent des êtres humains, faillibles, comme tout un chacun.
Il vaudrait donc mieux, pour garder la tête froide, en terminer avec cette manie de s'en référer au Droit avec un grand D, ou de parler de l'état de 'droit,' comme si ces choses tombaient du ciel, la perfection même. Les lois françaises sont imparfaites, et certaines sont injustes. Quelles sont les lois justes et injustes, il nous faudrait un livre pour dire tout ce qu'il y a à dire là-dessus.
Mais pour ce qui est des frontières, nous pouvons simplement dire, qu'il est un droit de l'homme de pouvoir bouger sans entrave, et que les lignes imaginaires que sont les frontières nationales, n'ont aucune existence ou base légale.
Regarder l'histoire de cette institution des frontières révèle qu'elles sont le résultat des guerres que se livrent des Etats, chacun convaincu que l'autre lui fera la peau, pillera ses ressources, ou tyrannisera son peuple. Aujourd'hui, par exemple, maintenant que la paix règne entre la France et l'Allemagne, nous savons qu'il n'y avait pas une réelle animosité éternelle entre nos peuples, qui ne pouvait se résoudre que par de périodiques et immondes bains de sang.
La force ne pouvant pas dans la théorie créer les droits - ce serait vivre dans une société de barbares -, nous devons en conclure que les frontières nationales ne peuvent pas légalement présenter d'entraves au libre mouvement des individus; puisque le territoire qu'elles délimitent n'est pas la propriété de tout un peuple (quoi qu'en disent les Lepénistes), mais la juridiction d'un Etat, dont les prérogatives sont nécessairement limitées par les droits fondamentaux.
Or, aujourd'hui, les Etats français et britanniques présentent l'entrave des passeports et des visas, et autres formalités bureaucratiques, au libre mouvement des individus, sous prétexte de contrôle des frontières. L'illégal est rendu légal; le légal est rendu criminel. Nous marchons sur la tête. La force fait la loi, et la société devient barbare.
No Borders est un mouvement pacifique de personnes qui reconnaissent les droits fondamentaux sans lesquels aucune société ne peut survivre longtemps.

“ Sur les os blanchis de nombreuses civilisations sont écrits ces mots dérisoires: 'Trop tard.' ” - Martin Luther King


L'étrange manie de Madame Bouchart

Il y a un mois, à l'occasion de l'anniversaire de la destruction de la jungle, nous avons été approchés et contactés par plusieurs journalistes, qui voulaient avoir notre point de vue, sur ce qui a changé depuis l'an dernier. Des lieux inhabités qui servaient de refuge aux migrants ont été méthodiquement détruits les uns après les autres, et lorsqu'ils ne pouvaient pas l'être, comme pour le dessous des ponts, la police a simplement été envoyée pour en retirer les tentes. Dans une de ces attaques l'an dernier, elle a également prétendu remettre celles-ci aux associations, ce qui s'est trouvé être complètement faux.
Le raisonnement selon lequel on ne peut pas laisser les gens dormir quelque part est, que ces personnes n'ont pas le droit d'être en France. Comme nous l'avons expliqué ailleurs, la France elle-même n'est pas une propriété collective -même si Marine LePen voudrait changer cela, avec les résultats immondes que l'on connaît de l'expérience des années 30 et 40- et donc il est difficile de voir qui pourrait interdire de territoire qui que ce soit; c'est-à-dire, interdire à quelqu'un de se trouver dans les limites d'une partie de la Terre qui englobe quand même 600 000 km² ! Est-ce que l'on peut imaginer quelque chose de plus arrogant? Et pourquoi pas leur interdire le ciel et les océans pendant qu'on y est?
Puisque les migrants sont en France dans leur droit, contrairement au gouvernement qui veut les en interdire, ils ont aussi le droit de trouver refuge là où ils peuvent, dans la mesure où cela ne gêne personne. Et c'est précisément la situation des Soudanais et autres Africains qui logent dans des bâtiments abandonnés, sur la rue Descartes.
(suite page 4)
Ce que certains appellent Africa House, sert de refuge à des personnes qui sont sans abris, et c'est contre tout sens commun que Madame Bouchart a décidé d'en expulser les habitants, et de détruire ces bâtiments autrement déserts.
Les ouvriers de la ville se rendent chaque jour à Africa House pour commencer le nettoyage des lieux, depuis le 4 octobre, et pour préparer la destruction insensée qui mettra à la rue des personnes qui n'ont aucun autre abri à disposition. La folie de Madame Bouchart est légèrement atténuée par le comportement respectueux des ouvriers, qui préviennent et décrivent les bâtiments qui seront nettoyés, sans chercher à occasionner de gêne pour les migrants, sans tenter de détruire ou de leur enlever leurs affaires, comme cela arrive parfois.
Les descentes de police, elles aussi injustifiées et sans aucun sens, autrement que pour leur faire mener une salle vie et encourager le retour, continuent. Et la veille des No Borders avec. C'est ainsi que nous attendons chaque jour avec angoisse l'arrivée de ces personnes surarmées, et que nous tentons de prévenir les habitants de Africa House, que la police arrive, pour enlever et détenir, et pour peut-être tenter de déporter. Avec l'accord d'autorités que l'on nommerait autrement tyranniques, mais avec lesquelles, à l'occasion de l'épuration ethnique qu'est la politique migratoire actuelle, nous acceptons de coopérer. Certains diraient, collaborer.

“Quand y'en a un, ça va. C'est quand y'en a plusieurs que ça pose problème.” - Brice Hortefeux


Port de Calais : centre franco anglais de policiers avant « guantanamo »?

Prêt à vendre le dernier pavillon français SEAFRANCE, le port de Calais est envahi maintenant de policiers ANGLAIS dont la zone de contrôle s'est étendue.
Le 23 mars 2010, Besson et Woolas, ministres de l’immigration, inauguraient un nouveau centre de coordination policière sur le port de Calais.
Le nouveau centre de coordination opérationnel conjoint (CCOC, en français, JOCC en anglais) était ouvert depuis le début février. Woolas se targuait que de grandes opérations conjointes aient été réussies avant l’inauguration du 23 mars 2010.
On était impatient de lire ce qu’il allait annoncer : deux femmes arrêtées et 46kg de tabac saisis. Bravo ! On imagine aisément que ce dispositif coordonné n’ait pas été monté par nos activistes de l’Ultra droite pour stopper de telles irrégularités.

Concentration de policiers

Les PAF anglaise et française, la douane et le service de sécurité de la chambre de commerce, tout le monde va participer au massacre du droit d’asile des réfugiés, mais cette fois, on collabore. On ne fait pas dans son petit coin tout seul. Car tout doit être en ordre avant l’étape suivante…

Policiers ou activistes d'extrême-droite?

Les français seront chargés d'interroger les camionneurs sur leurs lieux de repos et transformer les réfugiés en passeurs.
Les anglais étant chargés quant à eux de stopper au passage ceux qui auraient été repérés par les français comme passeurs. (avec la police française, il est très facile de devenir passeur, surtout quand on est étranger. Demandez à la PAF.)
Rappelons que:
- L'Angleterre refuse l'espace Schenghen. Nous n'avons donc pas à surveiller sa frontière qui est une frontière extérieure.
- Les hommes, femmes et enfants survivant dans nos rues sont des réfugiés. Ils ont le droit de demander l'asile dans les pays signataires de la convention: la France et la Grande Bretagne ont signé.

Que font donc des policiers étrangers dans notre ville?


Calais Migrant Solidarity est un groupe de personnes qui apportent un soutien journalier aux migrants en difficulté, à travers des rondes autour des squats, jungles et campements, des donations de vêtements, des leçons d'anglais, et d'autres actes de solidarité. Il y a toujours besoin de volontaires! Prenez contact en envoyant un email à calaisolidarity@gmail.com
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